Identification des principaux freins juridiques et fiscaux au développement des S.C.I.C. et formulation de propositions (synthèse) INTRODUCTION La Société Coopérative d'Intérêt Collectif (ciaprès dénommée « SCIC ») a été créée par l'article 36 de la loi n° 2001624 du 17 juillet 2001. Ce cadre législatif a été complété par le décret n° 2002241 du 21 février 2002, puis par la circulaire DIES n° 2002 316 du 18 avril 2002. La SCIC se définit comme une société anonyme ou à responsabilité limitée à capital variable ayant pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d'intérêt collectif, qui présentent un caractère d'utilité sociale. Avec seulement 54 SCIC recensées à la fin 2004, cette nouvelle forme de coopérative n'a pas encore connu le succès escompté et ce, malgré l'intérêt manifeste et soutenu de nombreux acteurs de l'économie sociale et solidaire. Si des difficultés d'ordre principalement sociologique ont été mises en avant par ces derniers, il convient cependant de ne pas négliger pour autant les écueils de nature juridique et fiscale susceptibles de freiner le développement de la SCIC. L'objet de l'étude menée par le département « OSBL » d'ERNST & YOUNG ­ Société d'avocats, est de dresser un état des lieux des principaux écueils recensés et, autant que faire se peut, de formuler des propositions permettant de contribuer au développement de la SCIC. A ce titre, nous avons retenu cinq thèmes, dont vous trouverez ciaprès la synthèse : - Thème n° 1 : alléger les contrôles de la SCIC - Thème n° 2 : rendre éligible la SCIC à certains avantages - Thème n° 3 : simplifier la gouvernance (pour les « parties prenantes ») - Thème n° 4 : améliorer l'attractivité (pour les « investisseurs ») - Thème n° 5 : inscrire la SCIC dans un « parcours entrepreneurial évolutif » THEME N° 1 : ALLEGER LES CONTROLES DE LA SCIC 1.1 Conditions strictes d'obtention de l'agrément L'agrément préalable pour la constitution de la SCIC est subordonné à la démonstration de son caractère d'utilité sociale et de l'intérêt collectif de son activité. Or, ces deux notions d'acception à la fois larges, complexes et contraignantes, sont également sources d'arbitraire et d'incertitude. Proposition n° 1 : supprimer purement et simplement la procédure d'agrément de la SCIC au bénéfice d'une PROPOSITIONS simple procédure de demande d'avis ou d'inscription sur une liste ad hoc établie annuellement par arrêté ministériel ou préfectoral. Variante : cette proposition ne semblant pas être souhaitée par les acteurs de l'économie sociale et solidaire, clarifier les conditions d'octroi de l'agrément en particulier quant à l'appréciation de la notion d'utilité sociale (utilisation de critères objectifs) mais maintenir la possibilité pour le Préfet d'interpréter la notion d'intérêt collectif au regard des particularités locales. 1.2 Durée limitée de validité de l'agrément L'agrément n'est délivré que pour une durée de 5 ans renouvelable. Si la procédure de renouvellement de la demande, à l'initiative de la SCIC, suit les mêmes règles que celles applicables lors de la demande initiale, elle se distingue de la procédure initiale sur les points suivants : - nécessité d'une révision coopérative préalable (cf. infra) ; - réévaluation de l'activité au regard de l'utilité sociale et appréciation de la conformité de l'activité par rapport au projet initial. Cette procédure de renouvellement, qui doit intervenir tous les cinq ans, risque de conférer à la SCIC un caractère précaire 1 Ernst & Young, Société d'Avocats, Département « Organismes Sans But Lucratif » 27 juin 2005 - Tous droits réservés PROPOSITIONS Proposition n° 1 : conférer à l'agrément une durée indéterminée. Variante : allonger la durée de validité de l'agrément. Proposition n° 2 : assouplir les conditions de renouvellement de l'agrément. 1.3 Contrôles permanents Comme toute société, la SCIC est tenue de communiquer aux autorités compétentes tous documents ou renseignements relatifs à son activité, son fonctionnement et sa situation financière. Par ailleurs, elle doit également informer le Préfet de toute modification de ses statuts ou de son objet social. Bien plus, la SCIC est assujettie à une obligation d'information permanente (relative à son activité, son fonctionnement et sa situation financière ou portant sur toute modification de ses statuts ou de son objet social) ce qui constitue une contrainte supplémentaire s'ajoutant aux obligations de toute société. Enfin, la SCIC est soumise à une révision coopérative quinquennale qui lui a été expressément imposée. PROPOSITION Proposition unique : simplifier les formalités constitutives et modificatives de la SCIC par la mise en place d'un guichet unique, par exemple, auprès du Centre de Formalités des Entreprises. THEME N° 2 : RENDRE ELIGIBLE LA SCIC A CERTAINS AVANTAGES 2.1 Absence d'un régime fiscal adapté A défaut de dispositions spécifiques, le régime fiscal actuel des SCIC ne présente aucun caractère incitatif (assujettissement de la SCIC aux impôts commerciaux dans les conditions de droit commun). Il peut, en outre, s'avérer rédhibitoire pour certaines associations non fiscalisées dans la mesure où la transformation en SCIC leur fait perdre ce régime de faveur. PROPOSITIONS Proposition n° 1 : placer certaines SCIC hors du champ d'application des impôts commerciaux et, le cas échéant, la rendre éligible au régime fiscal du mécénat des particuliers (réduction d'IR de 66%) ou des entreprises (RI de 60%). Variante : instituer des exonérations spécifiques. 2.2 Non éligibilité à certains contrats aidés L'adoption de la forme SCIC n'octroie aucun avantage spécifique en matière de contrats aidés. De plus, les services de la DGEFP (Cf. circulaires DGEFP du 21 mars 2005 sur la mise en oeuvre des contrats d'avenir d'une part et des contrats d'accompagnement dans l'emploi d'autre part) s'attachant davantage à la forme juridique de la SCIC (SA ou SARL) qu'à sa finalité (sociale et d'intérêt collectif) lui refusent formellement le bénéfice des contrats spécifiquement réservés aux organismes à but non lucratif (contrat d'avenir et contrat d'accompagnement dans l'emploi). PROPOSITION Proposition unique : clarifier la notion de SCIC au regard du droit social afin de permettre à cette dernière de recourir à tous les types de contrats aidés, y compris ceux réservés aux « OSBL ». 2 Ernst & Young, Société d'Avocats, Département « Organismes Sans But Lucratif » 27 juin 2005 - Tous droits réservés 2.3 Un accès aux financements et aux marchés publics strictement encadré 2.3.1. Au regard des règles de subventionnement publics (particulièrement encadrées au plan communautaire), la SCIC est placée sur le terrain concurrentiel, même si des exemptions limitées lui sont applicables. Or, la complexité et les limites imposées par ces régimes d'exemption sont éventuellement de nature à freiner le financement des projets SCIC (cf. articles 8 à 12 du décret n° 2002241 du 21 février 2002 et dossier n° III de la circulaire DIES n° 2002 316 du 18 avril 2002) par les collectivités territoriales en méconnaissance de la finalité sociale de cette forme coopérative. 2.3.2 La SCIC peut se porter candidate à un appel d'offres de marché public ou de délégation de service public mais ne bénéficie d'aucun droit de préférence prévu pour d'autres coopératives (Cf. article 54 du Code des Marchés Publics). PROPOSITIONS Proposition n° 1 : assouplir le cadre du financement par les collectivités territoriales en cohérence avec les dispositions communautaires concernant notamment les « services d'intérêt général » et les « services d'intérêt économique général ». Proposition n° 2 : favoriser l'accès aux marchés publics en octroyant aux SCIC un droit de préférence. THEME N° 3 : SIMPLIFIER LA GOUVERNANCE (POUR LES « PARTIES PRENANTES1 ») Complexité de l'organisation du pouvoir démocratique si option pour la répartition des associés en collèges Le mécanisme de répartition des associés des SCIC par catégories et (sur option) par collèges, présenté à l'origine comme une simplification des règles de fonctionnement des coopératives s'avère complexe et aboutit le plus souvent à une simple reproduction des différentes catégories d'associés. De plus, les critères légaux de répartition par collèges (participation à l'activité ou contribution au développement de la coopérative) étant vagues et difficilement pondérables, la mise en place de collèges peut ainsi contribuer au déséquilibre de la répartition des droits politiques au profit d'une seule catégorie d'associés. PROPOSITIONS Proposition n° 1 : aménager les critères de répartition des associés en collèges (clarification des critères ou clés de répartition par collèges). Variante : supprimer purement et simplement la possibilité de composer des collèges et aménager, corrélativement, les règles de répartition des associés. THEME N° 4 : AMELIORER L'ATTRACTIVITE POUR LES « INVESTISSEURS2 » Faible rémunération des associés La SCIC doit respecter une triple limitation de la rémunération des associés : 1. Possibilité de ne distribuer qu'une fraction résiduelle de l'excédent net de gestion (solde après dotation aux réserves impartageables) ; 2. Déduction des aides versées par les collectivités publiques de ce solde distribuable ; 3. Plafonnement du taux d'intérêt rémunérant les parts sociales. Cette triple limitation est de nature à dissuader la participation des « investisseurs » au sein des SCIC privant partiellement d'effet l'objectif premier du multisociétariat. 1 « Stakeholders » 2 « Shareholders » Ernst & Young, Société d'Avocats, Département « Organismes Sans But Lucratif » 3 27 juin 2005 - Tous droits réservés PROPOSITION Proposition unique : ne maintenir ces restrictions que si la condition d'assimilation de la SCIC aux organismes à but non lucratif est clarifiée (cf. Thème n° 2 pour les avantages y afférant). THEME N° 5 : INSCRIRE LA SCIC DANS UN « PARCOURS ENTREPRENEURIAL EVOLUTIF » Lourdeur de la procédure de sortie du statut coopératif Si la transformation de la SCIC vers une société de droit commun est délicate (procédure administrative de perte du statut coopératif longue, complexe et aléatoire), la transformation en forme associative est impossible. Or, pour les SCIC issues de la transformation d'associations, ce retour à la forme initiale pourrait être conçu comme un « droit à l'erreur ». PROPOSITION Proposition unique : inscrire la SCIC dans un « parcours entrepreneurial évolutif » : autoriser le passage en association, confirmer la possibilité de transformation en autre forme coopérative, faciliter la sortie du statut coopératif. * * * * * * CONCLUSION Dans l'éventualité d'une adaptation des textes, tant sur un plan national qu'européen, ne pourraiton pas modifier l'appellation juridique des SCIC pour démontrer son ancrage dans le domaine des services d'intérêt généraux, voire des organismes à but non lucratif (par exemple, « Entreprise Sociale d'Intérêt Général », « Union d'Intérêt Collectif » ...). 3ème projet de loi de simplification du droit : une opportunité à saisir ? Conformément à l'article 38 de la Constitution de 1958, la 3ème loi de simplification du droit sera une loi d'habilitation autorisant le Gouvernement à prendre, pour l'exécution de son programme, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ce projet de loi, en cours de discussion, pourrait être l'occasion d'une part, de mettre en oeuvre nos propositions dans la mesure où ces dernières constituent des mesures de clarification et d'autre part, de codifier l'ensemble des textes propres aux coopératives au sein d'un code de la coopération (à ce jour les textes concernant les coopératives sont intégrés au code de commerce ce qui constitue une source de confusion). Nous invitons donc les principaux acteurs du milieu coopératif à se saisir de cette opportunité. Pour toute information complémentaire : ERNST & YOUNG Société d'Avocats Département « Organismes Sans But Lucratif » Contact : Stéphane Couchoux Tél. : 04 91 23 99 09 Email : stephane.couchoux@eyavocats.com Ernst & Young, Société d'Avocats, Département « Organismes Sans But Lucratif » 4 27 juin 2005 - Tous droits réservés